Malgré la fermeture du mercato européen, Adrien Rabiot (29 ans), l’ex-milieu de terrain de la Juventus de Turin demeure toujours sans contrat, une situation rare pour un joueur d’un tel âge et d’un tel niveau.
Pourtant, ce dernier dispose de la liberté de contracter avec un nouveau club depuis le 1er janvier 2024, l’article 18 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs de («RTSJ ») l’autorisant à signer dans un nouveau club 6 mois avant l’expiration du contrat.
Réponse dans cet article revenant sur les règles encadrant la signature des joueurs sans contrats hors de la période de mercato.
En principe, la faculté pour un footballeur de contracter avec un nouveau club est limitée aux périodes de mercato.
Ces périodes de transferts ou de mutations sont encadrées par l’article 6.1 du RTSJ disposant que l’enregistrement des joueurs ne peut avoir lieu que pendant les deux périodes d’enregistrement prévues par la ligue nationale compétente : celles du mercato d’été et celle du mercato d’hiver.
Pour la France, cette période est définie par l’article 212 du Règlement administratif de la Ligue de Football Professionnelle (« LFP ») qui fixe les dates du mercato d’été entre le 1er juillet 2024 et le 30 août 2024.
Passé cette date du 30 août, la période principale d’enregistrement est close et les ligues nationales ne peuvent plus enregistrer de joueurs.
Toutefois, la FIFA octroie plusieurs exceptions à ce principe en ouvrant la possibilité aux joueurs dits « libres » c’est-à-dire non-salariés d’un club professionnel à l’issue de la période de mercato, de contracter hors de la période d’enregistrement (article 6.3 du RTSJ).
Ainsi, l’enregistrement hors de la période de mercato est ouvert aux 3 hypothèses suivantes : les joueurs ayant résilié pour juste cause leur contrat, les joueurs ayant un contrat expiré, ou les joueurs ayant résilié leur contrat par consentement mutuel.
La première hypothèse est exposée à de nombreux litiges puisque la reconnaissance de la « juste cause » doit faire l’objet d’un examen prima facie par le secrétariat général de la FIFA afin de valider l’enregistrement du transfert. Cette reconnaissance peut être contestable a posteriori devant le Tribunal du football de la FIFA.
La seconde hypothèse recouvre notamment la situation d’Adrien Rabiot, dont le contrat à la Juventus de Turin (Italie) a expiré au 30 juillet 2024.
La troisième hypothèse recouvre la situation de Memphis Depay, dont le contrat à l’Atletico Madrid (Espagne) a été résilié par consentement mutuel au 30 juillet 2024.
Ces derniers demeurent donc libres de s’engager dans un nouveau club hors de la période de mercato.
La possibilité pour un joueur de contracter hors de la période d’enregistrement, c’est-à-dire d’effectuer un transfert dit « tardif », ne demeure pas sans limites et reste contestable sur le plan de l’équité des compétitions.
En effet, si les périodes de transfert instituées par les championnats nationaux demeurent de nature à restreindre la liberté contractuelle des footballeurs, elles assurent toutefois la régularité des compétitions sportives.
Ainsi, dans l’arrêt Lehtonen (CJCE, M. Jyri Lehtonen c/ Fédération royale belge des sociétés de basket-ball ASBL, 13 avril 2000, C-176/96), la Cour de Justice de l’Union européenne (« CJUE ») reconnaît, dans un premier temps, que si les délais de transfert entravent la liberté de circulation des travailleurs prévue par l’article 45 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE »), ces derniers sont objectivement légitimes dans la mesure où ils permettent le bon déroulement du championnat.
La CJUE ajoute dans un second temps que les « transferts tardifs seraient susceptibles de modifier sensiblement la valeur sportive de telle ou telle équipe au cours du championnat, remettant ainsi en cause la comparabilité des résultats entre les différentes équipes engagées dans ce championnat ».
En ce sens, la FIFA tient compte de cette dimension liée à l’équité sportive pour limiter les transferts tardifs et invite dans l’article 6.4 du RTSJ les ligues nationales à définir des critères relatifs à l’intégrité sportive pour restreindre les transferts hors marchés.
Pour le championnat français, l’article 213 du Règlement administratif de la LFP prévoit qu’ « afin de préserver l’intégrité sportive des compétitions, aucun nouveau joueur, quel que soit son statut, ne peut être enregistré au-delà de la clôture de la période d’enregistrement complémentaire pour des joueurs licenciés au club postérieurement, à l’exception des jokers médicaux ».
En ce sens, les clubs français ne peuvent donc pas, pour la saison en cours de Ligue 1, recruter au-delà du 3 février 2025.
Par ailleurs, l’UEFA n’est pas en reste sur la limitation des transferts tardifs puisqu’elle impose, pour la participation à la C1, l’inscription des joueurs sur une liste quasi immuable entre le début de la phase de ligue et ce jusqu’à la phase finale. L’article 31.09 du Règlement de l’UEFA Champions League oblige les clubs participants à soumettre leur liste de joueurs avant le 3 septembre 2024 à minuit. Par conséquent, la tardiveté du transfert empêche la participation à la compétition européenne.
En l’espèce, Adrien Rabiot sans club au 4 septembre 2024 ne pourra pas a priori disputer la compétition européenne.
Une exception au règlement de la C1 est cependant prévue. Elle permet d’ajouter deux nouveaux joueurs après l’expiration de la date du 3 septembre 2024, mais elle se heurte à deux contraintes : le respect du nombre de joueurs formés localement et la limite de 25 éléments présents dans la liste.
En conclusion, les joueurs libres de tous contrats peuvent actuellement, même post-mercato, trouver un nouveau point de chute contractuel.
Du point de vue des footballeurs, cette faculté leur garantit de ne pas se retrouver sans contrat et sans club à l’issue de la période de mercato leur évitant par conséquent une saison blanche sur le plan sportif et financier. Elle permet également, pour les ruptures de contrat pour juste cause en première partie de saison, de retrouver un nouveau club rapidement sans attendre la prochaine fenêtre de transfert.
Du point de vue des clubs, si les recrutements hors période d’enregistrement demeurent marginaux, ils peuvent permettre d’assurer un dernier renforcement de l’effectif. La Ligue 1 autorise, en ce sens, de recruter un joueur libre à titre de « joker » (article 213 du Règlement administratif de la LFP).
Enfin, dans l’hypothèse précise du « joker médical », le recrutement tardif n’est pas de nature à remettre en cause l’intégrité sportive, bien au contraire, il permet de s’en assurer en rétablissant la stabilité de l’effectif lors de la saison sportive malgré une blessure grave d’un élément.