Au terme de la saison sportive 2023-2024, le Stade Brestois s’est hissé à la troisième place du championnat de France de Ligue 1, obtenant ainsi sa qualification pour la compétition européenne de l’UEFA Champions League.
Cependant, cette qualification a mis en lumière un défi majeur pour le club finistérien : celui de la conformité de son stade aux exigences règlementaires de l’UEFA en matière d’infrastructures sportives.
En effet, pour cette raison, le SB 29 a dû, depuis le début de saison, délocaliser ses matchs européens au Stade du Roudourou, situé à 110 kilomètres de son Stade Francis-Le Blé.
Ce déménagement, imposé par l’UEFA à la suite d’une inspection en mars 2023, créé un véritable désagrément pour les supporters locaux, contraints de parcourir de longues distances pour assister aux matchs "à domicile".
Cette distance pourrait d’ailleurs s’allonger à 240 kilomètres en cas de qualification pour la phase à élimination directe, et d’un probable second déménagement au Stade Roazhon Park à Rennes.
Quels sont les règlements de l’UEFA qui conduisent à ces délocalisations ? Réponse dans cette revue juridique de l’EAJF.
Le règlement de l’UEFA sur l’infrastructure des stades (dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2018) classifie, sur le fondement de plusieurs critères (qualité du terrain, taille des vestiaires, taille des tribunes, équipements dédiés aux médias), les stades en quatre catégories allant de la catégorie 1, pour les exigences les plus basses, à la catégorie 4, pour les exigences les plus hautes. Cette catégorisation ne régit pas les conditions relatives à l’accueil de la finale de l’UEFA Champions League qui fait l’objet d’un règlement autonome.
Ainsi, cette classification assure une montée progressive des exigences relatives aux stades en fonction du stade de la compétition sportive. Plus la finale se rapproche, plus les exigences de l’UEFA deviennent élevées en raison de l’accroissement de la médiatisation, de l’accueil du public et des VIP.
Toutefois, certaines exigences demeurent fondamentales, et ce, dès la catégorie 1, c’est notamment le cas des zones réservées aux spectateurs afin d’éviter tout incident de sécurité.
Concernant le stade Francis-Le Blé de Brest, pouvant accueillir 15 220 personnes, les principales inquiétudes de l’UEFA reposaient sur les trois tribunes reposant sur structures tubulaires.
En effet, sur le fondement de l’article 18.02 du règlement de l’UEFA sur l’infrastructure des stades : « Les tribunes doivent être fixées à des fondations susceptibles de supporter un poids important et ne peuvent pas être basées sur des structures tubulaires ou en échafaudage, ni contenir de telles structures. Les matériaux, la conception et la construction des tribunes doivent être clairement destinés à une utilisation permanente. »
Cette obligation diffère de la règlementation applicable au championnat de France qui tolère les tribunes tubulaires (critère n°32102 de l’attribution de la licence club LFP).
Dès lors, le SB 29 disposait de deux options : réduire sa capacité à sa seule tribune non-tubulaires dotée de 5 000 places ou délocaliser ses matchs dans une autre enceinte sportive. C’est la seconde option qui aura finalement été préférée.
En principe, l’article 25.07 du règlement de l’UEFA Champions League prévoit que « [l]e stade annoncé au début de la compétition est considéré comme le stade de domicile du club concerné. Il peut s’agir du terrain du club recevant ou d’un autre terrain de la même ville ou d’une autre ville située sur le territoire de l’association du club recevant. »
De cette façon, le club peut délocaliser ses matchs selon 3 possibilités :
Dans la troisième hypothèse, le terme « association » doit s’entendre comme l’association membre de l’UEFA, c’est-à-dire la fédération nationale auquel le club est affilié, en l’occurrence la Fédération Française de Football (« FFF ») pour le Stade Brestois.
En ce sens, comme annoncé par communiqué de presse le 2 septembre 2024, le Stade Brestois a désigné le Stade du Roudourou comme son stade de domicile pour l’UEFA Champions League pour la phase de ligue.
Toutefois, cette délocalisation pourrait faire l’objet d’une modification en cas de qualification pour la phase à élimination directe.
Cette modification, en cours de compétition, demeure strictement encadrée par l’UEFA, l’article 25.08 prévoit qu’à « partir de la phase de ligue, un club doit en principe disputer tous ses matches de la compétition dans le même stade ». Dès lors, une telle modification doit demeurer exceptionnelle et être approuvée par l’administration de l’UEFA.
Désormais, la phase d’élimination directe de la nouvelle formule de l’UEFA Champions League débute avec des matchs de barrages ou les huitièmes de finale pour les clubs directement qualifiés.
Ainsi, l’article 33.01 du règlement de l’UEFA Champions League (version en vigueur pour la saison 2024-2025), exige que les matchs de barrage et les matchs de huitièmes de finale se jouent dans des stades de catégorie 4.
L’obtention de la classification de la catégorie 4, classification la plus élevée de l’UEFA, occasionne de nombreuses contraintes additionnelles : l’installation d’un système de chauffage du terrain ou d’un système de couverture du terrain (article 5), l’interdiction des buts amovibles (article 7), l’interdiction des places debout (article 18) et l’existence d’un système de vidéosurveillance en couleurs (article 28).
Toutefois, c’est en matière de médiatisation, que le fossé entre la catégorie 3 et 4 demeure le plus important : aire de régie TV doit être de 1000 m2 en catégorie 4 alors qu’elle doit n’être que de 600 m2 en catégorie 3.
Sur cette dernière condition, le Stade du Roudourou se révélerait trop étroit pour relever de la catégorie 4 des stades homologués par l’UEFA, et ainsi accueillir le SB 29 en phase à élimination directe.
En ce sens, le SB 29 pourrait, en cas de qualification éventuelle pour la suite de la C1, se rabattre sur le stade Roazhon Park (30 000 places) et prolonger son périple européen au cœur de la Bretagne.
Du point de vue des spectateurs, les exigences de l’UEFA contribuent à une délocalisation, parfois lointaine, des rencontres sportives justifiée par les impératifs croissants de sécurité des spectateurs et de médiatisation audiovisuelle du football.
L’exemple du Stade Brestois, illustre ici, la difficulté pour les « petits clubs » de participer, aux plus grandes compétitions européennes, malgré leur qualification au mérite sportif chèrement acquise, entraînant, paradoxalement, une augmentation des recettes (primes de qualification, droits TV, sponsors) et une augmentation des dépenses en cas de délocalisation des matchs à domicile dans un autre stade (mise à niveau de l’infrastructure, travaux, location, personnel, frais de transport).