Manuel Neuer a récemment informé sa communauté Instagram de sa fracture à la jambe droite, et de son indisponibilité jusqu’à la fin de la saison. Si, dans ce cas précis, nous n’avons pas encore d’informations quant à une potentielle sanction du club bavarois envers son gardien de but, nous nous interrogerons aujourd’hui sur la forte influence qu’ont les clubs de football sur les activités extra-professionnelles de leurs joueurs.
Par principe, le lien de subordination dont un club de football dispose sur ses joueurs s’arrête là où commence la vie privée de ces derniers. Néanmoins, plusieurs exemples nous démontrent que les clubs interdisent à leurs salariés la pratique de certaines activités en dehors de leur temps de travail, et les sanctionnent lorsqu’ils s’y prêtent, comme fût le cas du Real Madrid qui sanctionna Karim Benzema en 2015 pour avoir sauté en parachute pendant son temps libre.
Pour ce qui est de la règlementation française, l’article 278 de la Charte de Football Professionnel prévoit qu’il « est interdit à un joueur de pratiquer le football, de monter à cheval, de faire du ski, de prendre place dans un avion de tourisme et de pratiquer tous autres sports (telle la pêche sous-marine) sans l’autorisation du président du club après avis de l’entraîneur ». Ainsi, la Ligue de Football Professionnel interdit formellement à tous les joueurs professionnels de pratiquer un sport qui présente des risques de blessures.
La plupart du temps, le même type de disposition figure dans les contrats des joueurs et dans le règlement intérieur du club, afin de pouvoir sanctionner directement les salariés qui ne respecteraient pas cette interdiction nationale. En prohibant ces pratiques en dehors du temps de travail, les clubs de football souhaitent diminuer les risques de blessures afin de garder une certaine compétitivité sportive, mais également de se protéger vis-à-vis de leur assurance.
Lorsque les joueurs sont sanctionnés suite à la pratique d’une de ces activités, ils sont contraints de payer une amende auprès de leur club. Jusqu’à maintenant, aucun joueur professionnel n’a souhaité s’opposer à ce type de sanction. Pourtant, juridiquement, cette interdiction peut soulever deux problématiques.
D’une part, l’article 8 de la CEDH garantit à toute personne le droit au respect de sa privée. Par principe, un fait de la vie privée ne peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire de la part de l’employeur, à moins que les faits aient un lien suffisant avec l’activité professionnelle (Cass. soc., 8 octobre 2014, n°13-16.793). Cette existence d’un lien suffisant pourrait être remis en cause dans certains cas, comme le fait de prendre un avion de tourisme par exemple.
D’autre part, le lien de subordination qu’exerce un employeur sur son salarié est censé être limité aux horaires de travail effectif du salarié. Dans le football français, ce lien de subordination est explicitement étendu aux activités menées par les joueurs en dehors des matchs et des entraînements. Qu’en est-il alors de la liberté du joueur ? Est-il constamment soumis au pouvoir de direction de son employeur ? A titre d’exemple, la Cour de cassation, dans son arrêt n°17-18.912 rendu le 20 février 2019, a estimé qu’un sportif professionnel avait une obligation de soin même durant un arrêt de travail, alors même qu’aucun lien de subordination n’existait à ce moment-là puisque le contrat de travail était suspendu.
La spécificité des obligations qui incombent au sportif professionnel semble donc prendre le dessus sur des principes fondamentaux de droit commun. Si cet article 278 de la Charte deFootball Professionnel pourrait être remis en cause, il n’est généralement pas contesté par les joueurs professionnels, qui préfèrent se plier aux sanctions disciplinaires et financières lorsqu’ils enfreignent cette disposition.