Le 17 janvier 2023, Sarah Björk Gunnarsdóttir, ancienne joueuse de l’Olympique lyonnais, publie un récit poignant sur le site The Players’Tribune dans lequel elle raconte son périple pour être payée durant sa grossesse par le club de première division. A Lyon entre 2020 et 2022, la joueuse internationale islandaise a réussi à lever le voile sur un tabou qui vient ternir l’image d’un club, souvent loué pour être précurseur en matière de football féminin.
Sarah Björk Gunnarsdóttir annonce au club sa grossesse en avril 2021. D’un commun accord avec ce dernier, elle part auprès de sa famille en Islande. Cependant, elle s’aperçoit que son salaire n’est pas entièrement versé par le club, lequel s’est seulement acquitté de ses obligations d’indemnisation en matière de sécurité sociale, conformément au droit du travail français. Le même scénario se reproduit les mois suivants.
Appuyée par la FIFPRO et l’UNFP, la joueuse engage une procédure auprès de la Chambre de Résolution des Litiges du Tribunal du Football de la FIFA. Par une décision en date du 19 mai 2022, les juges ordonnent à l’OL de payer l’intégralité des salaires conformément aux nouvelles dispositions protectrices des joueuses du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs de la FIFA (“RSTJ”).
Partie pour la Juventus de Turin à la suite de ce conflit, la joueuse a mis du temps avant de révéler son combat pour faire valoir ses droits liés à sa grossesse et à son congé maternité. Mais pourquoi ? La peur de ne pas être entendue, la peur de compromettre sa carrière, etc. Les raisons sont donc multiples et justifiées, mais elles ne devraient pas exister. Son vécu est l’occasion de revenir plus en détails sur les droits dont jouissent les joueuses ,qui ont fait le choix de devenir maman au cours de leur carrière.
Le 4 décembre 2020, le Conseil de la FIFA annonce l’adoption d’amendements au Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs.
La protection accordée par l’article ne bénéficie qu’aux joueuses ayant conclu un contrat de travail écrit et percevant une rétribution supérieure aux frais déboursés pour leur activité.
Globalement, il est interdit à un club de soumettre la validité du contrat d’une joueuse au fait qu’elle devienne enceinte, qu’elle se trouve en congé maternité ou qu’elle fasse valoir des droits propres à la maternité durant l’exécution dudit contrat. En cas de résiliation unilatérale par le club, celui-ci est même présumé avoir rompu le contrat pour l’un des motifs précédents. Surtout, l’article permet à la joueuse de faire un choix lorsqu’elle est enceinte : soit, elle continue de fournir des services sportifs (s’entraîner et jouer) en accord avec son médecin traitant et son club, soit elle choisit de fournir des services alternatifs, autres que sportifs, dès lors qu’elle ne veut pas exercer la première option, ou que son médecin juge que la pratique sportive pourrait nuire à sa santé. Dans ce cas de figure, le club a l’obligation de respecter son choix et de la payer intégralement jusqu’à ce qu’elle prenne son congé maternité.
En l’espèce, Sarah Björk Gunnarsdóttir a choisi de ne pas fournir des services sportifs. Toutefois, elle a adressé une lettre au club pour lui proposer de fournir des services alternatifs, lettre restée sans réponse.
La Chambre de Résolution des Litiges retient que le club est en défaut, puisqu’il ne lui a pas répondu. Surtout, elle considère que ce n’était pas à la joueuse de proposer de fournir d’autres services : le club, en tant qu’employeur, devait lui demander expressément si elle voulait fournir des services autres que sportifs au nom de son devoir général de vigilance.
Sarah Björk Gunnarsdóttir a salué cette décision.
« Cette histoire dépasse ma propre personne ! C’est un signal d’alarme pour tous les clubs et c’est un message à toutes les joueuses pour dire que si elles tombent enceintes ou veulent tomber enceintes au cours de leur carrière, elles ont leurs droits et garanties ! ».
Le syndicat mondial des joueurs, la FIFPRO, parle de « décision historique », « la première de ce type depuis la mise en place des règlements de la FIFA en matière de maternité, en janvier 2021 ».
Depuis 2020, la FIFA rappelle aux associations-membres leur obligation de transposer les dispositions sur la maternité des joueuses professionnelles du RSTJ dans leur réglementation nationale. Malheureusement, la FFF réserve le terme de “professionnel” aux seuls joueurs, contrairement à l’Angleterre, qui reconnaît ce statut aux joueuses. Le Statut de la Joueuse Fédérale de la FFF et la Charte du Football Professionnel ne reprennent pas expressément les dispositions du RSTJ.