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L'affaire Lassana Diarra : la prochaine révolution des transferts après l'arrêt Bosman ?

par
M. MOULALI / EAJF
le
8/1/24

L'affaire Lassana Diarra : la prochaine révolution des transferts après l'arrêt Bosman ?

Ce litige qui remonte à dix ans, oppose Lassana Diarra à l'un de ses anciens clubs, le Lokomotiv Moscou. Le joueur français avait signé pour trois saisons, mais après quelques mois seulement, il avait dénoncé une réduction salariale importante et injustifiée.

Au cours de la saison 2014-2015, le club russe a décidé de résilier le contrat de Diarra, l'accusant d'avoir cessé d'honorer ses engagements contractuels sans "juste cause".

Cette rupture a conduit à une série de procédures, le Lokomotiv Moscou exigeant une compensation financière de 20 millions d’euros pour le préjudice subi.

La chambre de résolution des litiges de la FIFA a d’ailleurs donné raison au club, condamnant Lassana à verser une amende de dix millions d’euros et à purger une suspension de 15 mois.

Alors que l'affaire était en cours de traitement par les juridictions, le Sporting de Charleroi a envisagé de recruter Diarra, mais le transfert a fini par échouer car le club belge craignait de devoir assumer une partie de la dette en tant que codébiteur.

En effet, les règles de transfert de la FIFA qui incluent le principe de codébition, rendent le club qui le recruterait solidaire du paiement de l'amende et exposé à des sanctions sportives.

Il décide alors de contester le Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ) devant le tribunal de commerce de Mons en Belgique, avec le soutien des syndicats de joueurs Fifpro et UNFP. Diarra accuse la FIFA de l'avoir empêché de pratiquer son métier de footballeur durant la saison 2014-2015 et réclame des dommages et intérêts et réparation au titre d’un manque à gagner de 6 millions d’euros. Cette démarche conduit à une question préjudicielle, sollicitant l'avis du juge européen sur la conformité du RSTJ avec le droit européen.

Selon l’avocat général Szpunar, certaines règles de la FIFA en matière de transfert de joueurs peuvent s’avérer contraires au droit de l’Union.

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Saisi par la Cour d'appel de Mons en Belgique pour une question préjudicielle, l'avocat général a examiné la conformité de certaines règles de la FIFA concernant les transferts de joueurs avec le droit de l'Union européenne. L'analyse portait notamment sur les dispositions prévoyant des sanctions sportives et financières, ainsi que sur la responsabilité solidaire entre le joueur et son club en cas de rupture de contrat sans juste cause. Par ailleurs, il a été examiné si l'ancien club du joueur pouvait empêcher un transfert en refusant de délivrer le Certificat International de Transfert (CIT).

L’avocat général Maciej Szpunar répond aux questions posées par la juridiction belge en jugeant que « les règles de la FIFA régissant les relations contractuelles entre les joueurs et les clubs peuvent s’avérer contraires aux règles européennes de concurrence et de libre circulation des personnes. » tout en estimant « que le caractère restrictif du RSTJ en ce qui concerne la libre circulation ne fait guère de doute. »

Dans les conclusions de Me Szpunar, il conteste plusieurs règles essentielles du système des transferts. Il juge que certaines sanctions sportives et financières infligées aux joueurs en cas de rupture de contrat sans juste cause, du principe de codébition qui impose une responsabilité solidaire ainsi que le blocage du CIT, enfreignent de nombreux articles. Notamment la restriction à la libre circulation des travailleurs à l’article 45 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), à la restriction de concurrence à l’article 101 du TFUE, ainsi que l'absence de justification à ces restrictions et à l'application de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne (UE) à l'article 15 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE.

L’avocat général note que, en raison de sa nature, le RSTJ limite la possibilité pour les joueurs de changer de club et, inversement, pour les clubs de recruter des joueurs lorsque ces derniers ont résilié leur contrat sans "juste cause".

Ce faisant, « le RSTJ, en limitant la capacité des clubs à recruter des joueurs, affecte nécessairement la concurrence entre les clubs sur le marché de l’acquisition des joueurs professionnels. »

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Conclusion


Une décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) qui suivrait l'avis de son avocat général, pourrait entraîner une refonte majeure du marché des transferts, semblable à l'impact de l'arrêt Bosman. Cela pourrait aboutir soit à la fin des indemnités de transfert, soit à une révision du RSTJ pour qu’il s’aligne avec les exigences du droit européen.

L'affaire C-650/22 dite "l’affaire Lassana Diarra", pourrait alors entraîner une transformation profonde du système des transferts dont la décision est attendue à la fin de l'été après les vacances judiciaires.