0

Pourquoi Mbappé ne participera-t-il pas aux Jeux olympiques ?

par
A. CHABOT / EAJF
le
7/18/24

Pourquoi Mbappé ne participera-t-il pas aux Jeux olympiques ?

Mardi 9 juillet 2024, le Comité National Olympique et Sportif Français (« CNOSF ») publie la liste des 571 athlètes français, pourtant un nom manque à l’appel : celui de Kylian Mbappé. Longtemps attendu comme le chaînon manquant de la sélection olympique de Thierry Henry, cette omission n’aura surpris personne puisque le néo-madrilène avait déjà, dès le 16 juin dernier, déclaré que son club ne l’avait pas libéré pour aller chercher la médaille d’or.

Comme Lucas Chevalier, Bafodé Diakité, et Leny Yoro privés de Jeux olympiques par le LOSC ou encore Bradley Barcola et Warren Zaïre-Emery par le PSG, cet épisode reflète la situation difficile du football aux Jeux olympiques : une compétition largement fermée par la FIFA afin d’éviter l’émergence d’une Coupe du monde bis.

Retour sur cet épisode mêlant histoire du football, règles juridiques, et situation contractuelle.

Héritage d’un conflit historique entre le CIO et la FIFA :

Comme le décrit l’historien Paul Dietschy dans son ouvrage sur l’« Histoire du football » (Ed. Tempus), la situation actuelle est l’héritage d’un conflit historique entre le Comité International Olympique (« CIO ») et la Fédération Internationale de Football Association (« FIFA »).

En effet, dans les années précédant la création de la Coupe du monde en 1930, le football international se développe sous l’égide du CIO et des Jeux olympiques. Le CIO attaché au statut amateur du sport olympique adopte une règle interdisant aux sportifs professionnels de participer aux Jeux olympiques, ouvrant ainsi une page conflictuelle avec la FIFA. En contradiction avec cette position, la FIFA s’émancipera en créant sa propre compétition qui sera ouverte, quant à elle, aux footballeurs professionnels.

Par la suite, la FIFA n’ouvrira jamais totalement la porte des Jeux olympiques aux joueurs de football instaurant des conditions restrictives pour participer à cette compétition.

Un cadre juridique favorable aux clubs :

L’article 46 de la Charte olympique prévoit que « [c]haque [fédération internationale] est responsable du contrôle et de la direction de son sport durant les Jeux Olympiques. »

Ainsi, si les Jeux olympiques demeurent estampillés par le CIO, l’organisation de la compétition olympique de football est désormais dévolue à la fédération internationale de football, la FIFA, qui règlemente les Tournois Olympiques de Football ( « TOF »).

Par conséquent, et afin d’éviter de permettre aux TOF de devenir une Coupe du monde bis, deux restrictions principales sont imposées par la FIFA afin de limiter l’intérêt des joueurs à participer à cette compétition :

1. L’âge des joueurs :

L’article 26 du Règlement des TOF précise ainsi que seuls les joueurs nés après le 1er janvier 2001. Une exception à cette règle est toutefois prévue permettant à 3 joueurs « ne répondant pas à cette limite d’âge » d’« être inclus à la liste officielle de joueurs pour la compétition finale ».

Cette option permet par exemple à Alexandre Lacazette, 33 ans, d’être sélectionné au sein de la sélection olympique de football pour les JO 2024.

2. L’absence de mise à disposition des joueurs pour les JO :  

Sur le fondement de l’article 1 de l’annexe n°1 du Règlement du statut et du transfert des joueurs de la FIFA : « La mise à disposition du joueur […] est obligatoire pour toutes les périodes de matches internationaux figurant dans le calendrier international des matches. »

Pour l’année 2024, la seule compétition internationale prévue par le calendrier des matchs de la FIFA est l’UEFA Euro 2024.

De cette manière, aucune obligation de mise à disposition ne pèse sur les clubs pour les JO et par conséquent, sur le Real Madrid bénéficiant d’une totale latitude d’action en la matière.

Mbappé : le pari médiatique manqué face au Real Madrid :

Profitant de ce cadre juridique favorable à l’absence de mise à disposition du joueur, la position de refus du club madrilène avait été officialisée pour Edouardo Camavinga et Ferland Mendy dès le 14 mars. Le capitaine de l’équipe de France, soucieux de renverser la vapeur, avait renouvelé à de maintes reprises sa volonté de participer à l’aventure Paris 2024 assurant d’une pression médiatique constante sur son futur club espagnol.

Cette pression médiatique s’était doublée d’une pression politique, le Président de la République et le Président de la FFF s’impliquant auprès de Florentino Pérez, le président du Real Madrid, pour permettre de débloquer une porte qui s’était déjà fermée depuis plusieurs mois.

Pour autant, face à la fermeté du Real, le joueur n’a pas souhaité faire de sa participation aux Jeux olympiques un élément « deal breaker » de sa venue au Real Madrid annonçant sa signature officielle le 3 juin sans conditions particulières concernant cette compétition et son absence aux JO le 16 juin.

Une intégration des JO au sein du calendrier FIFA n’est pas à l’ordre du jour :

Face à cette situation, le sélectionneur olympique Thierry Henry avait largement pesté contre cette absence de reconnaissance des olympiques comme dates FIFA.

Toutefois, malgré cette critique, une intégration des JO au sein du calendrier des sélections internationales n’est pas à l’ordre du jour des instances de la FIFA.

D’une part, au niveau national, une telle intégration ne trouverait pas l’assentiment des meilleurs clubs. Leurs effectifs, composés largement d’internationaux, possèdent déjà des calendriers très chargés entre championnat national, compétitions européennes, et rassemblement des sélections.

C’est le cas cette année du LOSC qui, pour justifier son refus de libérer ses joueurs pour les Jeux olympiques, s’était appuyé sur la reprise précoce de son équipe dès le 6 août avec un tour préliminaire de Ligue des Champions.

D’autre part, au niveau international, la FIFA, attentive dans la conservation de l’attractivité de sa Coupe du monde, ne souhaite pas ouvrir les JO sans risquer de dévaloriser sa compétition phare, d’autant plus qu’elle souhaite privilégier ses propres compétitions comme en témoigne la montée en puissance de sa Coupe du monde des clubs en 2025 avec un passage de 7 à 32 clubs.

Dès lors, cette intégration des JO au calendrier de la FIFA semble être une boîte de pandore qu’aucune instance du football ne souhaite ouvrir.