Après près de dix ans de procédure, Michel Platini et Sepp Blatter ont été définitivement acquittés dans l’affaire du paiement controversé de 2 millions de francs suisses. Le mardi 25 mars, la cour d’appel extraordinaire du Tribunal pénal fédéral (TPF) de Suisse, réunie à Muttenz (près de Bâle), a confirmé la décision de relaxe rendue en première instance en juillet 2022.
Les anciens dirigeants du football mondial, respectivement ex-président de l’UEFA et de la FIFA, étaient poursuivis pour escroquerie, et subsidiairement pour abus de confiance, gestion déloyale et faux dans les titres. L’affaire reposait sur un paiement supposé « déloyal », réalisé en 2011 par Sepp Blatter au bénéfice de Michel Platini pour une mission de conseiller technique exercée entre 1998 et 2002.
Cette décision marque un tournant dans une affaire qui s’inscrivait dans le cadre plus large du "FIFAgate", vaste scandale de corruption ayant secoué le monde du football.
Comme en première instance, la cour d’appel extraordinaire du TPF a rejeté les réquisitions du parquet fédéral suisse, qui réclamait une peine de vingt mois de prison avec sursis pour les deux prévenus.
Le procureur fédéral Thomas Hildbrand soutenait que ce paiement reposait sur une facture illégitime et constituait une manœuvre frauduleuse destinée à contourner les règles de rémunération en vigueur à la FIFA. Pourtant, les juges ont de nouveau estimé que l’élément intentionnel de l’escroquerie n’était pas établi et que les preuves présentées ne permettaient pas d’établir une tromperie avérée.
En conséquence, la Confédération helvétique devra indemniser les deux hommes pour préjudice moral et financier lié aux poursuites judiciaires :
Ce dossier met en lumière plusieurs principes fondamentaux du droit pénal.
La présomption d’innocence, élément clé de toute procédure pénale, impose à l’accusation de démontrer avec certitude la culpabilité des prévenus. Or, ni en première instance ni en appel, le parquet fédéral n’a pu apporter d’éléments suffisamment probants pour établir une infraction caractérisée.
La charge de la preuve repose sur l’accusation, qui doit démontrer de manière indiscutable l’existence d’une tromperie intentionnelle. En l’absence de documents écrits ou de témoignages accréditant l’hypothèse du parquet, la cour a jugé que les explications fournies par les accusés restaient plausibles.
Enfin, le principe "le doute profite à l’accusé" s’applique : faute de certitude absolue, un acquittement est prononcé.
L’affaire a eu des répercussions bien au-delà du tribunal. Michel Platini était favori pour succéder à Sepp Blatter à la tête de la FIFA en 2016, mais cette procédure a brutalement mis fin à ses ambitions. Comme l’a rappelé son avocat Me Dominic Nellen, cette enquête a eu des conséquences juridiques, professionnelles et personnelles majeures, alors même qu’aucune preuve à charge n’a été retenue.
L’avocat suisse a également souligné que la procédure avait été injustifiée dès le départ, ce qui ouvre la voie à de possibles actions en réparation contre les autorités ou les acteurs ayant initié les poursuites.
Malgré cet acquittement en appel, le Ministère public de la Confédération (MPC) dispose encore d’une dernière possibilité : un recours en cassation devant le Tribunal fédéral suisse, plus haute juridiction du pays. Cependant, cette voie est limitée aux seuls motifs juridiques, et non à une réévaluation des faits.
Dans un communiqué, le MPC a indiqué qu’il attendrait de recevoir le jugement écrit et motivé avant de décider de la suite de la procédure.
L’acquittement de Michel Platini et Sepp Blatter en appel confirme l’absence de charges suffisantes contre eux, infligeant un désaveu majeur au parquet fédéral suisse. Cette décision marque probablement la fin d’une procédure longue et complexe, qui aura bouleversé l’équilibre du football mondial.
Si un recours en cassation reste possible, il semble peu probable qu’il puisse renverser la tendance. Michel Platini, blanchi sur le plan pénal, peut désormais envisager d’éventuelles poursuites pour obtenir réparation du préjudice subi.
Ce feuilleton judiciaire, qui a éclipsé une partie de sa carrière, soulève une question majeure : cette procédure était-elle une enquête légitime ou une manœuvre visant à écarter un candidat jugé gênant pour la présidence de la FIFA ? Seule l’histoire en jugera.