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Revue juridique

Quand la DNCG siffle la rétrogradation : l’aire Olympique Lyonnais sous la loupe juridique.

par
EAJF / A. VISTE
le
11/21/24

Le 15 novembre 2024, la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) a rendu sa décision dans le cadre de l’examen de la situation des clubs au titre de la saison sportive 2024-2025. Plusieurs clubs étaient concernés par cette décision, mais la décision la plus importante est celle rendue pour l’Olympique Lyonnais. En effet, avec 505 millions d’euros de dettes, le club est interdit de recrutement cet hiver, et est rétrogradé à titre conservatoire en fin de saison si sa situation financière ne s’améliore pas.

Le cadre juridique de la DNCG

La Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) est une commission indépendante ayant pour mission, la surveillance des comptes des clubs de football professionnels en France. Institution clé dans le paysage footballistique français, elle a pour mission principale de garantir l’équilibre financier et l’équité des compétitions sportives.

Créée en 1984, en application de la loi du 16 juillet 1984, cette institution vise à assurer la pérennité des associations et sociétés sportives. Son rôle est de « favoriser le respect de l’équité sportive tout en contribuant à la régulation économique des compétitions ».

Ainsi, chaque année, les dirigeants des clubs, allant de la Ligue 1 aux divisions inférieures, doivent présenter leurs bilans financiers et leurs prévisions budgétaires. Toutes leurs dépenses, que ce soient les droits télévisés, la billetterie, les partenariats, sont décortiqués.

Dans ce contexte, la DNCG peut représenter soit une alliée précieuse, soit une contrainte redoutable. Lorsqu’un budget déséquilibré est détecté, elle n’hésite pas à sanctionner, et les mesures vont varier en fonction de la gravité de la situation. Les clubs peuvent donc être sanctionnés d’interdiction de recrutement, plafonnement de la masse salariale, voire une rétrogradation administrative. Ces décisions sont lourdes de conséquences pour les clubs, comme cela avait pu être le cas avec les décisions prises à l’encontre des Girondins de Bordeaux, puisque le 12 août 2024, la DNCG a confirmé sa décision de rétrograder le club en National 2, qui fait face à de grandes difficultés financières. D’abord relégué en Ligue 2, puis en National 1, Bordeaux a tout de même pu reprendre sa saison en National 2, après validation du budget par la DNCG.

L’Olympique Lyonnais : histoire et problématiques financières

L’Olympique Lyonnais (OL) a été fondé en 1950, et très rapidement il s’est imposé comme un acteur majeur du football français. Dès sa création, le club a alterné entre succès modérés et périodes d’instabilité.

L’arrivée de Jean-Michel Aulas en 1987 marque, néanmoins, un tournant décisif dans l’histoire de l’OL. Avec une vision moderne de la gestion sportive et économique, le président transforme ainsi le club en une référence sur le plan national, mais aussi international. Il met en place une stratégie ambitieuse qui combine performances sportives et développement financier, ce qui permet donc au club de se hisser au sommet du football français.

L’histoire du club est cependant marquée par une période de domination dans les années 2000, avec 7 titres consécutifs en Ligue 1, grâce à une gestion sportive exemplaire, un recrutement pertinent, et le développement d’un centre de formation performant. De plus, l’OL devient également un habitué des grandes compétitions européennes, atteignant à plusieurs reprises les phases de la Ligue des Champions.

Cette période de gloire permet donc à l’OL d’avoir des revenus financiers importants. Pour autant, cette situation financière repose sur un équilibre fragile, puisque dès lors que les résultats déclineront, le modèle financier du club sera mis à rude épreuve.

Grâce à son succès, le club poursuit donc son ambition de figurer parmi les grandes puissances européennes, et cette ambition est marquée par l’inauguration du Parc OL, également appelé Groupama Stadium. Ce stade fut entièrement financé par le club, qui devient donc un pilier de sa stratégie économique. Il vise à accroître les revenus issus des jours de match, et à diversifier les activités avec des événements extra-sportifs tels que des concerts, et des compétitions internationales.

Néanmoins, ce projet très ambitieux, qui avait déjà été financé par des dettes importantes, place donc l’OL dans une position financière encore plus délicate, ce qui rend le club dépendant des revenus réguliers générés par ses performances sportives.

Les finances de l’OL : un modèle économique ambitieux, et risqué

Sous la direction de Jean-Michel Aulas, l’OL a donc adopté un modèle économique basé sur le développement des infrastructures (le Groupama Stadium ; le centre de formation et l’OL vallée, qui est le centre commercial), mais aussi sur la diversification des revenus, en plus de ses revenus sportifs classiques, le club mise également sur les activités commerciales et sur les plus-values liées à la revente de joueurs issus de son académie, ou recrutés à un prix attractif.

Ce modèle économique du club est donc innovant en France, et place donc l’OL comme un club pionnier dans l’autofinancement. Mais ce modèle peut être très fragile, puisqu’il repose notamment sur des résultats sportifs de haut niveau.

En outre, le club fait face à des problèmes financiers récents, avec notamment l’impact de la crise sanitaire, qui a fortement affecté le club, mais aussi par la chute des revenus sportifs. L’absence répétée de l’OL en Ligue des Champions, qui est une compétition très lucrative, a donc aggravé les difficultés financières, et le club a donc dû compenser ces pertes par des ventes de joueurs importants. Enfin, l’équilibre financier est impacté par l’accumulation de déficits. Le remboursement des emprunts contractés pour la construction du Groupama Stadium pèse lourd sur les finances du club.

La position du club face à la DNCG est donc très fragilisée depuis 2022, puisqu’il affiche un déficit important.

La décision de la DNCG dans son contexte historique

Historiquement, l’OL a généralement réussi à respecter les exigences de la DNCG, grâce à une gestion financière rigoureuse sous Jean-Michel Aulas. Pour autant, ces dernières années, le club a été placé sous une surveillance accrue en raison de sa situation économique et de ses dettes.

La DNCG avait déjà imposé des restrictions sur la masse salariale et les recrutements afin de garantir la viabilité à court terme.

Cependant, l’OL est entré dans une nouvelle ère avec l’arrivée de John Textor en tant que nouveau président. Cet entrepreneur américain a pris le contrôle du club via sa société Eagle Football, et promet ainsi de redresser les finances et de redonner à l’OL sa place parmi les élites du football européen. Cependant, la DNCG a exprimé des doutes sur les garanties financières présentées, entraînant ainsi des mesures restrictives. Cette situation reflète la tension entre ambition économique et régulation financière.

La dernière décision rendue par la DNCG sur l’OL, en date du 15 novembre 2024, a décidé d’encadrer sa masse salariale et lui a interdit de recruter, mais le club est également rétrogradé de manière conservatoire à l’issue de cette saison. Ainsi, si la situation économique n’a pas été redressée, le club sera en Ligue 2 la saison prochaine.

Le gendarme financier du football attend en réalité que la situation financière du club, qui cumule actuellement 505 millions d’euros de dettes, se soit améliorée d’un montant entre 100 et 200 millions d’euros.

La décision est assez inattendue, puisqu’elle tranche totalement avec le discours très optimiste de son président actuel, John Textor, qui s’était exprimé à la suite de son audition « Je suis confiant dans nos chiffres. Je ne peux jamais être confiant dans la façon dont un organisme de réglementation considère ces choses.» Il fanfaronnait presque, accusant des forces obscures qui souhaiteraient lui mettre des bâtons dans les roues. «Je crois que la DNCG est indépendante de certaines des pressions que vous constatez. Mais nous avons beaucoup d’ennemis, vous savez, au conseil d’administration, dans la ligue, un grand club du Qatar.»

Cet organe attendait des garanties et de réelles perspectives de redressement, et non pas un plan hypothétique, impliquant la vente de joueurs ou de capitaux. Eagle Group, propriétaire de l’Olympique Lyonnais, avait pourtant affirmé dans un communiqué qu’il prévoyait un apport de 75 millions d’euros d’ici la fin de l’année. Cette somme devait être obtenue grâce à la cession de joueurs issus des clubs appartenant à la holding, comme Igor Jesus de Botafogo, ainsi qu’à des apports en capitaux. Par ailleurs, la vente des parts détenues dans Crystal Palace, pour laquelle Textor aurait présenté des offres fermes à la DNCG, devait générer près de la moitié de ce montant. De plus, la holding prévoit un investissement supplémentaire de 100 millions d’euros au début de l’année prochaine, tandis que le mercato d’hiver pourrait permettre de réaliser d’autres ventes de joueurs.

Les arguments du club n’ont pas convaincu entièrement l’instance de contrôle. Il faut donc s’attendre à ce que le club soit contraint de vendre certains de ses bons joueurs afin de pouvoir atteindre les objectifs fixés par la DNCG pour éviter la relégation administrative.

Cette décision de la DNCG est également marquante puisqu’elle montre que cet organe n’agit pas uniquement en fin de saison, comme elle a pourtant l’habitude de le faire, mais qu’elle peut également sanctionner un club en cours de saison, dès lors qu’elle constate un modèle économique fragile et déséquilibré, afin de pouvoir aider les clubs à retrouver une situation financière stable et leur permettre de continuer d’évoluer dans les meilleures conditions.